Pas mal de femmes de mon entourage ont vécu une grossesse et ont accouché ces derniers mois. J'ai été stupéfaite par le nombre d'accouchement qui ne se passe pas comme imaginé.
En parallèle de ma propre histoire, j'ai souhaité illustrer notre grandeur et notre courage en vous proposant des extraits qui abordent les thèmes suivants : violence obstétricale, péridurale ratée et hémorragie de la délivrance.
Une sage-femme toc à la porte. Elle vient vérifier mon col. Je ne sais plus quelle heure il est mais je crois avoir dormi une heure. Et je les sens enfin, les contractions tant attendues. Je n'ai pas le temps de les accueillir, elle m'assaille avec violence et la douleur est immédiate, intense et mordante. Elle n'est pas monté crescendo. Je n'ai pas eu le temps de me préparer. Je ne peux déjà plus me positionner, je ne parviens pas à me concentrer sur ma respiration. Mon cerveau reptilien se connecte aux encouragements de mon partenaire. Son rôle est déterminant alors que je me vois perdre le contrôle de mon corps et de ma psyché, soumise à cette douleur désormais insoutenable, des contractions qui arrivent par vagues successives s'enchaînent, sans me laisser de temps de récupération. Je me sens perdre mon souffle dans cette tempête, je hurle, je m'excuse, je recommence et je m'accroche à ses instructions. Mon coach c'est lui à cet instant. Et je m'accroche à ses mots, derniers remparts avant de plonger dans la folie. J'ai tellement mal.
La sage-femme qui était partie est de retour.
Elle me propose un calmant par intraveineuse, que j'accepte avec hâte. Quelques instants plus tard la douleur est toujours intense mais moins criante et je parviens à me mettre en position pour être examinée.
- Vous êtes à 4 !
M'annonce-t-elle enthousiaste.
- Vous montez en salle d'accouchement cette nuit.
Je suis soulagée et heureuse. Quelle heure est-il ? 23h55 me répond mon homme.
Les contractions... mon Dieu quelle épreuve ! Moi qui voulais accoucher de la manière la plus physiologique qui soit, sans péridurale, je m'entends réclamer cette anesthésie avec désespoir. On me demande de vider ma vessie avant de monter en salle d'accouchement, mais le calmant ne fait plus effet et mes jambes cèdent sous l'intensité des contractions. Mon homme me porte, me mets sous l'eau conformément aux conseils de la sage-femme, dans le but de stimuler ma miction. Rien n'y fait, je ne parviens pas à uriner. Je me débat dans un univers qui n'est que douleur, c'est tout.
Un fauteuil roulant me monte en salle d'accouchement. Ce sera la sonde qui me videra la vessie.

À présent en salle d'accouchement, je souffre tellement, je supplie qu'on me fasse cette péridurale qui tarde à venir.
Une nouvelle sage-femme m'examine. C'est la 4ème de la journée.
- Vous êtes à 6. Souhaitez-vous la péridurale ?
- Oui
... elle s'en va de longues minutes puis revient.
- L'anesthésiste est en pleine césarienne
- Appelez-en un autre !
- Mais il y en n'a pas d'autre madame
- Comment peut-il n'y avoir qu'un anesthésiste pour tout le service dans un si grand hôpital?! Je vais crever putain !
"[...] vous viendrez me raconter comment s'est passé votre accouchement sans péridurale."
45 interminables minutes plus tard, la sage-femme revient et m'avertit :
- l'anesthésiste arrive, mais je dois vous prévenir, il est assez... stricte si vous n'êtes pas positionnée lorsqu'il sera prêt, il ne pratiquera pas la péridurale.
Je n'ai rien pu articuler d'autres qu'une insulte à cet instant. J'étais à 4 pattes sur ce lit, essayant tant bien que mal de gérer ma douleur au mieux et voilà que je devais maintenant gérer les exigences d'un mec qui semblait être craint par cette femme censée m'aider à mettre au monde mon enfant.
L'homme arrive dans la foulée et assène d'un ton sec.
- Ce n'est pas la bonne position.
Mon homme et la sage-femme m'aident à me mettre assise en dos rond sur le bord du lit. Les contractions m'assaillent sans répit et je peine à tenir cette put**n de position.
- Écoutez si vous n'êtes pas capable de vous mettre en position on arrête tout.
Je puise la force de rester immobile dans je ne sais quelle partie de mon être... pourtant la péridurale n'arrive pas et j'entends de l'agitation derrière mois. Le matériel n'est ni près ni à sa place. Il engueule la pauvre sage-femme qui se décompose, et il se passe bien 10 minutes avant qu'il annonce froidement
- bon vous n'êtes plus dans la bonne position. Je n'ai pas que ça à faire, rappelez quand vous saurez vous asseoir correctement.
Et il tourne les talons. Il s'en va littéralement et m'abandonne à cette douleur incommensurable.
Le temps passe. 15 minutes plus tard je ne suis plus que hurlement. J'ai l'impression qu'on m'ouvre les entrailles, cet accouchement est désormais l'épreuve la plus douloureuse de ma vie.
20 minutes. Il s'est passé 20 minutes entre le moment où cet homme est parti et a fini par revenir. Je le regarde. Cet homme élégant. Ce traitre à la femme, à la race humaine. Ce sadique. Je n'ai pas la force de le recadrer, je suis soumise au bon vouloir de cet individu qui a pleinement conscience du pouvoir qu'il exerce sur moi.
- nan mais arrêtez de bouger là !
- j'ai mal
- ah bon ? Mais vous n'avez pas fini d'avoir mal, continuez de bouger et vous viendrez me raconter comment s'est passé votre accouchement sans péridurale...
Je m'immobilise en entendant ces mots. Ils contrastent tellement avec la douce mélodie de ceux de mon homme, a qui, mon état de douleur intense réclamant d'être soulagé, lui a retiré le pouvoir de casser la gueule de ce mec.
Il me pose enfin la péridurale.

- ça y est la péridurale est posée, mais je n'ai pas confiance en vous alors je vais placer un gros pansement pour ne pas que vous la fassiez bouger.
À cet instant mon esprit n'habite plus mon corps. Je ne suis plus qu' émotion. Pensées. Sensations. Groggy. Abîmée. Mais déterminée à mettre au monde mon bébé.
" Je n'ai pas confiance en vous [...] "
Je voue désormais une obsession pour les battements de son cœur. J'ai peur qu'il lâche. Mais cet enfant gère les événements à la perfection. En vérité, c'est mon cœur qui est meurtri, mais je ne m'en rend pas encore compte.
La sage-femme m'examine de nouveau
- vous êtes à 9 ! Mais le bébé est encore haut, il faut maintenant qu'il descende.
Je crois que je ris... je ne suis pas censée pousser à 9 ?!
Elle me positionne sur le côté, pour favoriser la descente et je m'endors et je me réveillant pour me remettre des shoot de ce calmant.
Et je me mets à prier. A voix haute. Chose que je ne fais jamais. J'ai toujours prié dans ma tête mais cette fois les mots se mettent à danser hors de ma bouche jusqu'à la Vierge Marie. Je vis cette prière et me sens connectée à cette énergie féminine divine, canal de l'implantation de la vie sur terre. Je me rappelle que je suis en train de donner la vie et je pleure d'être bénie par cette mission. Je suis connectée à la Terre, et à son énergie fertile. À sa force, à son pouvoir attractif. Je suis partie prenante de la création de la vie sur terre, je suis puissante. Et cette puissance se déploie et explose le carcan de cette masculinité toxique qui vient de tenter de l'étouffer une fois de plus. Je suis canal de la vie sur terre en accouchant d'une parcelle divine venue expérimenter la vie sur terre. J'ai confiance en moi.
Voici l'énergie qui me portera jusqu'à la venue au monde quelques heures plus tard, de mon fils et de la plus belle rencontre qu'il m'est été amené de faire à ce jour.
Du liquide chaud coule entre mes jambes et je ne peux rien faire pour l'arrêter. Je viens enfin de perdre les eaux.
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