Premier accord Toltèque: que ta parole soit impeccable.
Hier, pour la première fois depuis que je suis entrée sur le marché du travail, mon ex-patronne a décidé de mettre fin à ma période d'essai. Teaser : "je fais peur aux gens".
"Marielle, vous êtes intelligente, compétente, efficace... mais je crois qu'on va s'arrêter là."
Mon premier reflex est de sourire, mitigée entre perplexité et soulagement.
Pour comprendre, il faut que je vous explique comment tout cela a commencé :-)
J'ai été embauchée parce que mon expérience et mes compétences de salarié dans le privé correspondaient initialement aux besoins de la société.
Avec l'ambition de développer le centre de formation en le vendant à un grand groupe, ma patronne du mois souhaitait quelqu'un qui prenne le lead sur le management d'office de son centre de formation afin de lui permettre de se libérer du temps pour préparer son projet de revente et de départ à la retraite.
C'est donc avec cette idée que j'ai commencé mon intégration d'abord avec la passation de l'assistante sur le départ puis sur la construction d' une nouvelle collaboration avec l'assistante restante.
De nature plutôt authentique, il n'a pas fallut longtemps à mes collègues pour me cerner. Salariée ou non, il faut dire que je n'avais pas l'intention de jouer un autre rôle que le mien. Autant que j'ai pu j'ai appelé la sincérité dans chacun de mes propos. J'étais moi-même, et surprise, le contact avec mes collègues est agréable et conviviale.
Pourtant, chaque matin et dès son arrivée, la patronne nous assène systématiquement du même leitmotiv : "eeuuuh, alors il y a un gros problème! ..." Le mot problème était celui qui signifiait que la journée de travail avait commencée. Evidemment quand il n'y en avait pas, il fallait en trouver! Ce mot... elle devait le prononcer 148 fois par jour au moins! Mais qui est cette femme qui ne jure que par "les problèmes" n'a t-elle jamais entendu parler du biais cognitif de confirmation ? Ou ne serait-ce que de la loi de l'attraction ?!
Deuxième accord Toltèque: quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle.
Depuis que le yoga et la méditation sont entrés dans ma vie, il m'est plus facile de ne pas me laisser polluer par la négativité. Cela fait quelques temps déjà que j'ai pris l'engagement envers moi-même d'aborder ma vie professionnelle de manière positive. Il m'était donc impossible de m'aligner sur son état de stress, et sans que je m'en rende compte ma nouvelle patronne a insidieusement commencé à voir en moi une sorte d'obstacle à ce qu'elle devait considérer comme son "autorité".
- "Vous prenez trop de place" me dit-elle subitement un mois et demi après mon arrivée lors du seul et unique entretien que j'aurai eu avec elle au sein de cette TPE.
- "Vous avez une autorité naturelle qui donne l'impression que vous n'avez pas le sens du service. Les formateurs n'osent pas vous poser de questions, ils vont directement voir Jessica, chose qu'ils ne faisaient jamais du temps où Audrey était là."
- "Vous n'avez pas l'esprit d'équipe car vous ne mangez pas avec Jessica. Vous préférez manger à 13h alors qu'elle part à 12h. Vous vous croyiez au dessus d'elle ! Et puis il est difficile d'échanger avec vous. Vous êtes intelligente et vous pouvez discuter de plein de sujets, mais vous donnez l'impression aux gens qu'ils sont cons".
Je lui explique qu'au bout d'un mois je n'avais pas toutes les réponses aux sollicitations des formateurs et de stagiaires, c'est pourquoi ils allaient naturellement vers ma collègue plus expérimentée.
Je lui explique qu'il me semblait contre productif de baragouiner des réponses bidons, surtout qu'elle avait elle-même choisi de focaliser ma formation sur le poste, exclusivement autour de la partie purement administrative de son activité. Quant au fait que je ne mange pas avec ma collègue quotidiennement, de mon point de vue, lui consacrer deux déjeuners par semaine était déjà un engagement de ma part. Et cerise sur le gateau, décaler mes horaires de déjeuner partait d'une bonne intention: faire en sorte d'avoir une présence continue dans le centre entre midi et quatorze heure. Et lui permettre à elle, patronne, de souffler et prendre une vraie pause déjeuner. Mais était-ce réellement son besoin? La véritable raison de cette prise d'initiative n'était-elle pas de trouver un moyen de diminuer la tension permanente dans laquelle, elle, et donc nous tous, moi y compris, évoluions quotidiennement? Je pensais le faire pour l'équipe. Mais avec un peu de recul, ne le faisais-je pas pour moi? Je suis amenée à penser que l'état de stress permanant, permettait à ma patronne de tenir le rythme qui incombe à ses responsabilités... selon son prisme du moins.
Troisième accord Toltèque: ne faites pas de suppositions.
Sur l'instant, c'est l'incompréhension totale. Elle m'avait pourtant bien dit que je pouvais choisir mon créneau de déjeuner... mais me reprochait finalement de le faire?! Moi qui pensais être pleine de contradictions, je suis vraisemblablement loin d'être un cas isolé ! Plus tard, j'ai appris par ma désormais ex-collègue, que son besoin, était d'être seule dans ses locaux le midi et que mon choix de déjeuner en décalé de ma collègue détruisait ses plans.
Ma foi... il suffisait de le dire ! Qui n'aurait pas pu l'entendre? Lors de notre entretien, j'ai attentivement écouté ses reproches: ses paroles ne résonnent pas en moi, elles rebondissent. Impossible de me les approprier je ne ressens rien de juste dans tout cela. Je ne me reconnais pas dans ses affirmations.
En revanche je reconnais quelqu'un: c'est comme si elle faisait sa propre description.
Nous avons tourné en rond une bonne demie heure. Impossible pour elle d'apporter des exemples à ses arguments. Elle n'avait même pas échangé avec les personnes qu'elle soupçonnait d' avoir peur de moi. Elle avait pris sa décision sur ... une impression.
De fil en aiguille, la conversation prend enfin une tournure honnête. Le problème n'est pas ma manière de travailler. Le blocage réside au niveau de l'image qu'elle se fait de moi, et d'elle par la même occasion. Sans m'y attendre, je prends conscience que ce qui dérangeait cette femme d'expérience, cheffe d'entreprise de 62 ans, c'était qu'elle n'arrivait pas à avoir d'emprise sur moi.
Pour comprendre il faut vous imaginer le personnage. Work addict, cette femme ambitieuse (et ce n'est pas un gros mot) n'est du genre ni patiente, ni modérée. Je pensais à tort que son état de stress permanent était le fait de responsabilités que nous n'avions pas et que tout cela était une bonne raison pour accepter ses fréquentes crises de nerfs.
Elle pétait les plombs pour tout. Pour rien. A tout va. Cela faisait parti de son style, hurler sur ses formateurs et son personnel, puis être mielleuse le lendemain comme si de rien n'était.
Ses priorités n'en étaient jamais vraiment, mais peut importe, c'est elle qui donnait le rythme. Elle contrôlait le moindre mail envoyé. Nous demandait toutes les 15 minutes ce que nous faisions. Il nous était impossible d'organiser notre travail à l'heure, même après avoir fait un point mené par ses soins sur les tâches et les urgences du jour. Elle veut tout valider. Impossible pour elle de laisser qui que ce soit en autonomie. L'assistante que je remplaçais m'avait prévenu "elle ne fait pas confiance aux personnes avec qui elle a choisi de travailler." Elle n'a donc pas confiance en ses propres choix. Ce qui l'importait, c'était d'être rassuré sur son rôle "indispensable" au sein de sa société. Un jour alors qu'elle rentrait de sa pause déjeuner elle me voit en train d'écouter la réclamation d'un des stagiaires. Sa réaction fût immédiate :"En tant que référente de ce centre de formation je peux peut-être savoir ce qu'il se passe?!". Mais enfin tout ce zèle est-il nécessaire ?! Et puis je croyais que les stagiaires ne venaient pas me voir car ils avaient peur de moi ? ...bref !
Peu importe la forme, l'objectif est de jouir de son statut d'autorité suprême qui peut tout se permettre et à qui personne n'ose rien dire. Chaque matin elle mettait tout le monde au garde à vous en tapant une bonne gueulante. Cela sonnait le glas du premier "problème" de la journée!
Ma collègue au bord du Barbiturique n'en peux plus. "Je ne vais pas tenir, me dit-elle", cela fait un an que je suis là, et je sais qu'elle ne changera pas. Et moi je suis seule quand je rentre chez moi, personne pour me montrer que je peux être autre chose que la moins que rien que cette femme croit que je suis". "Samantha*, tu dois apprendre à te mettre dans une bulle si tu ne souhaites plus être défini par l'énergie négative de cette femme" lui conseillais-je.
- "Comment est-ce que tu fais pour que ça glisse sur toi? Quand elle se permet de me faire des réflexions sur tous les aspects de ma vie, ça me touche".
- "Eh bien pour cela, il suffit de poser des limites. Patronne ou pas, c'est de ta responsabilité de faire respecter tes propres limites. Pour cela, nul besoin d'aller jusqu'à la confrontation. Il suffit de ne pas nourrir son pouvoir sur toi en refusant de rentrer dans son jeu. En évitant d'être dans la réaction permanente et en se retirant de ce mode de communication Parent <=> Enfant. Lorsqu'elle s'engage sur le plan personnel, essaye de communiquer sur le ton Adulte. Comment? De manière assertive! c'est cela la clé. D'adulte à adulte. D'être humain à être humain. Sur le même pied d'égalité. Etre dans l'écoute, mais aussi faire entendre ta voix. Que te dit ta voix intérieure ? De quoi as-tu besoin ? "
Quatrième accord Toltèque: fais toujours de ton mieux.
En dépit du dénouement de cette expérience, je ne la vis pas comme un échec. Au contraire ! Je la vis comme étant la preuve que lorsqu'on vit aligné à ses valeurs fondamentales, on ne peut plus pour quelque raison que ce soit s'éloigner de son chemin à moins de le choisir. L'été 2018 ma vie a changé. Depuis que le coaching est entré dans ma vie, je m'oublie beaucoup moins, je n'ai plus peur d'être et cela m'a rendu hermétique aux peurs de cette femme. Pas une fois été influencée par ses projections, et c'est en cela que je dérangeais. L'une d'entre nous aurait dû s'adapter à l'autre. Pour elle ne pas montrer de signes de stress remettait peut-être en doute la qualité de mon engagement. Mais j’appartiens à une génération qui a un rapport au travail. Il était hors de question pour moi de me laisser tirer dans une nouvelle spirale de tension permanente après avoir réussi à modifier le prisme par lequel je voyais ma vie. Voilà pourquoi je vois cette expérience comme une bénédiction. J'ai fait un choix, j'ai pris une décision et je m'y suis tenue au détriment d'une collaboration qui outre le salaire, ne m'aurait pas nourri de ce que mon être entier réclame, ce mantra que je me répétais chaque jour sur le chemin du travail: confiance, patience, persévérance.
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