Il y a quelques mois j’avais partagé quelques post sur Instagram sur les blessures d’attachement.
Ce sujet ne m’est pas venu par hasard. Ces blessures, sont le point commun que j’ai trouvé à toutes ces personnes puissantes, qui se sont senties vampirisées ou prisonnières d'une relation toxique. Qui retombent systématiquement dans les mêmes schémas sans comprendre comment sortir de leur cercle vicieux.
C'est aussi le moment de parler de ces profils qui soufflent le chaud et le froid. Qui semblent avoir construit un mur de distance infranchissable, flanqués d'un air mystérieux digne d'un Bram Stocker, et qui se livre à des épisodes de panique si on décide de continuer sans elles. Celles qui pour se protéger de l'abandon, du rejet ou de la trahison se font croire qu’elles n’ont besoin de personne. Parlons également de ce profil qui se gargarisent de toujours tout (trop) donner aux autres sans avoir de retour. S’agit-il d’altruisme spontané et désintéressé ? Une d’un moyen de paraître altruiste et désintéressée pour se sentir reconnue et importante dans les yeux des autres ? Et si par malheur le retour n’est pas à la hauteur des attentes, les autres sont aux mieux ingrats, au pire jaloux de vous.
Avant de commencer, il m’est important de clarifier certaines choses. Il ne s’agit pas de surfer sur le thème très à la mode de l'hypersensible tombée dans les filets du pervers narcissique. Ces 2 termes galvaudés sont beaucoup trop souvent utilisés en auto-médication. Un ex un peu manipulateur n’est pas forcément un pervers narcissique. Et hypersensible n’est pas un synonyme de susceptible.
Il s’agit de comprendre comment nos blessures d’attachement modélisent notre rapport à l’autre. Comment elles se sont formées et de quelle manière elles se manifestent à notre insu dans notre façon d'interagir à l'autre.
Les blessures d’attachement, de quoi parle-t-on ?

Lorsqu’un bébé vient au monde, il dépend intégralement de la personne qui tient le rôle d'attachement principal. Dans nos sociétés il s’agit la plupart du temps de la mère, bien que les pères s’autorisent de plus en plus à occuper cette place. Pour vous, cela a peut-être été un grand-parent ou une tante. Pour certains de vos aïeux, une gouvernante ou une nourrice. Vous l’aurez compris, un bébé s’attache à la personne qui lui porte le plus d’intérêt. Celle qui veille à répondre à ses besoins, qui s’occupe de ses soins, le cajole. À travers les yeux de cette personne, il se sent exister en tant qu'individu.
En 1958, les travaux de recherche du psychiatre John Bowly ont montré l’étendue de l'impact du type de comportement de la personne principalement en charge d’un bébé. Cette personne a donc une grande responsabilité. De son comportement dépendra en partie, la manière dont l'enfant apprendra à gérer ses émotions et ses relations.
Nos cerveaux ont enregistré depuis notre plus jeune âge des mécanismes, déterminés par nos interactions. Nous nous sommes programmés par le biais de la fréquence des connexions neuronales. Plus nous adoptions un comportement, plus ce comportement s’est défini comme étant notre norme. C’est à l’adolescence que nous confrontons notre personnalité au monde. Avant cela, chaque être humain fonctionne à l’affecte. Son comportement est donc une réponse au comportement de l’adulte.
Ces moments clés de notre construction psychique, influencent inconsciemment à l’âge adulte la manière dont nous gérons émotionnellement nos relations.
Si la qualité de notre vie dépend de la qualité de nos relations, il est donc primordial de s’attarder sur la manière dont nous gérons nos liens d’attachements.
Les différents types de d’attachement

Les injonctions sociétales vont répartir les émotions autorisées en fonction de notre genre. Les petites filles ne doivent pas se mettre en colère et se faire remarquer. Les petits garçons ne doivent pas pleurer comme des filles. Leurs émotions niées par les parents sont refoulées par les enfants.
Certains mécanismes, décryptés par le psychiatre Eric Berne, relèvent de stratégies de nos émotions pour parvenir à notre conscience.
l’exagération : émotion non traitée lors d’un événement, va rester active et chargée. Un déclencheur va réactiver cette émotion en veille, qui va ressurgir de manière inappropriée. Nous serons alors ramené à l’état émotionnel dans lequel nous étions lors de l’événement initial.
la substitution : certains parents vont tolérer certaines émotions plutôt que d’autres. Pour être aimé de ses parents, l’enfant va donc remplacer l’émotion non acceptable par une autre. Il va rire lorsqu’il est angoissé ou pleurer à la place de se mettre en colère par exemple. L’émotion non acceptée est réprimée, "rackettée" et à l’âge adulte, nous pourrions être régi par une ou des émotions parasites.
l’accumulation : ou la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les émotions retenues s’accumulent jusqu’au “pétage de plombs”. Il est difficile pour ces personnes d’exprimer leurs émotions au moment où elles émergent. Elles gardent pour ne pas faire de peine ou de vague. Elles seront aussi enclines à parler “de quelqu’un plutôt que de parler à quelqu’un”.
L’attachement sécure
L’attachement sécure permet à l’enfant de se sentir suffisamment en confiance, pour aller explorer le monde en toute sécurité. Il sait qu’il peut compter sur son/ses parents pour surveiller ses arrières, lui imposer des limites claires et l’aimer quoi qu’il fasse.
En discutant avec ma tante qui me conseillait il y a quelques mois d’éviter d’habituer mon fils aux bras, elle m’expliquait que l’éducation de l’époque de son enfance en Guadeloupe considérait qu’une fois que l’enfant était dans des langes propres et avait mangé, il devait se taire et n’avait rien à “réclamer”. Pourtant les besoins d’un enfant vont au-delà des besoins physiologiques de survie. Combien de nos parents ont vu leurs besoins d’être cajolés, vus, entendus et encouragés, complètement rejetés, ignorés, voire moqués ?
Au XIIIème siècle, Frédéric II de Hohenstaufen, empereur des Romains, doté d’une grande culture, a souhaité découvrir quel était le langage originel. Parlant lui-même 6 langues, il fit isoler des nourrissons qui n’étaient que nourris et changés. Les cajoler, ou communiquer avec eux était interdit aux nourrices, pour le bien de l’expérience. D’après la légende, ils moururent tous avant d’avoir prononcé un mot.
Un bébé, est dépendant d’affection et de chaleur humaine, il en va de sa survie et de son bon développement.
Un attachement sécure lui procure la liberté de mener des expériences sensorielles et émotionnelles, nécessaires à sa construction psychique. Il pourra explorer à fond toute la palette de ses émotions et appréhender son environnement en s’émerveillant des supers pouvoirs que sont ses 5 sens.
En étant autorisé à ressentir et exprimer ses émotions, il sera en mesure de les appréhender de manière saine.
Le cerveau d’un tout petit n’est pas capable de traiter ses émotions de façon rationnelle avant ses 5-6 ans. Il n’a pas encore développé la capacité de manipuler. Le concept de caprice n’a donc pas lieu d’être avant cet âge. Ce n’est pas son caprice qui fait honte, lorsque l’ enfant se jette au sol en hurlant en public … c’est notre égo face au regard des autres. Il revient au(x) parent(s) d'apprendre à l’ enfant, à revenir au calme de manière saine. Cela exclut les mots, gestes et techniques, humiliantes, culpabilisantes et dévalorisantes.*
Attention, il n’est pas question ici de se couper en tant que parent de ses propres émotions. Il est normal de ressentir colère, frustration, peur et autres émotions désagréables. S’autoriser à vivre ses émotions de manière saine donne l’exemple à l’enfant et lui permet de les vivre à son tour. Ne jamais se mettre en colère et ne pas parler de ses peurs peut s’avérer contre productif. Les bébés ont besoin de limites et exprimer sa désapprobation dans l’instant, lui apprend à comprendre et intégrer les règles d’une vie en société.
D’ailleurs le laxisme est en soi une forme de violence psychologique.
Pour résumer, comment en tant que parent je peux développer un attachement sécure chez mon enfant ? En étant :
disponible (physiquement et émotionnellement)
prévisible (environnement structuré et ritualisé)
attentif (voir que quelque chose ne va pas, même lorsque l’enfant n’est pas en mesure de le verbaliser)
Et si je n’ai pas pu bénéficier moi-même d’un attachement sécure, suis condamné(e) à être complètement fucked up pour le restant de mes jours ?
Heureusement non ! Il existe 2 types d’attachements sécures :

L’attachement fuyant/évitant
D’après une étude vieille de 30 ans, elle concerne 25 % des français. On est dans le fuis moi je te suis, suis moi je te fuis !
Dans ce type d’attachement, la personne peine à s’ouvrir à une intimité émotionnelle. Elle a conscience de son besoin mais ne sait comment le combler lorsqu’il se trouve en proximité, car cette proximité est un risque de rejet. Coupée de certaines émotions, elle est mal à l’aise face aux émotions des autres. Cela peut concerner le/la célibataire endurci(e), qui a peur de l’engagement parce que se mettre à nu semble être hors de porté !
Lorsqu’elle est blessée, cette personne aura tendance à bouder et à se murer dans le silence. Il est difficile pour elle d’exprimer ce qu’elle a sur le cœur, car elle a construit un mur de pudeur pour se protéger.
Ces profils ont grandi avec des parents absents. Il peut s’agir d’une absence physique et/ou d’une absence émotionnelle, c'est-à-dire que le parent est là, sans être impliqué émotionnellement. Il ne répond pas quand on lui parle, ignore son enfant. Cela va créer une blessure chez l’enfant qui modélisera son intelligence relationnelle autour de la croyance que, pour être aimé, je ne dois pas faire part de mes besoins.
Adultes, ces personnes seront coupées de certaines émotions, qu’ils auront engrammé comme étant honteuses. À titre d’exemple, les mères dont les besoins de tendresse et d’affection n’auront pas trouvé échos auprès de leurs propres figures d’attachement, ressentiront, de la honte, voire du dégoût lorsqu’elles reconnaîtront ces mêmes besoins chez leurs enfants. Il se peut qu’elles soient incapables d’y répondre à leur tour. Certains hommes, quant à eux, remplaceront leur tristesse par une colère mal placée, voire disproportionnée.
À contrario, des parents trop intrusifs peuvent entraîner le développement d’un lien d’insécurité de type fuyant. Ces parents qui interdisent à leurs enfants de fermer la porte de leur chambre, y entrent sans frapper, ou lisent le journal intime. L’enfant qui ne se sent pas respecté dans son intimité va construire une barrière solide pour la protéger.
Mais ce qui ne s’exprime pas, s’imprime. Les personnes de type évitant vont donc avoir tendance à somatiser les émotions refoulées.
L’attachement anxieux / ambivalent

Dans ce type d’attachement nous retrouvons ceux qui pensent ne pouvoir arriver à rien seul. Élevés eux-mêmes par des parents anxieux et un peu trop présents (surtout à l’adolescence) ils vont avoir besoin d’être rassurés très régulièrement sur l’amour que leur porte leur proches. Leur peur est de perdre leur amour, ou de vivre un amour non réciproque. La peur sous-jacente est celle de l’abandon. Alors ils vont se mettre au service des autres au point d’ignorer leurs propres besoins. Sensibles aux critiques, ils ont du mal à vivre leurs propres émotions. Ils vont donc aller les chercher chez l’autre.
Ces profils fuient la solitude. En amour ils vont rechercher des relations fusionnelles et risquer la dépendance affective. Ils auront besoin d'attirer l’attention sur eux. Ils vont se préoccuper de manière excessive des besoins des autres et vivre dans le besoin démesuré d’approbation.
Ce type d’attachement se construit dans l’incohérence des réponses du parent à ses besoins. Le parent alterne entre 2 extrêmes : il va être attentif à certains besoins et se montrer indifférent à d’autres. Cela va plonger l’enfant dans une insécurité car il ne saura pas à quoi s’attendre et aura du mal à avoir confiance en sa figure d’attachement. Pour autant un bébé/enfant a désespérément besoin qu’on s’occupe de lui.
Tout comme le type évitant, l’ambivalent peut aussi construire cet attachement en réponse à un parent beaucoup trop intrusif. Lorsque son parent le considère comme une extension de lui-même et nie l’unicité de son enfant. Le parent va se sentir menacé par toute tentative de prise d’indépendance de l’enfant.
Autre cause de lien d’attachement ambivalent : la parentification. Lorsque l’enfant est le parent, le psy, le confident, le BFF de sa figure d’attachement.
L' attachement désorganisé

La citation qui résume le mieux cette figure d’attachement est celle de Mary Main qui nous dit : “le problème fondamental de l’enfant à l’attachement désorganisé, c’est que sa figure d’attachement principale est à la fois une source de sécurité et de frayeur.”
L’enfant alterne entre frayeur et réconfort. Cela peut donc concerner les enfants ayant vécu un trauma (alcoolisme ou toxicomanie du parent, abus sexuel, maltraitance physique et/ou psychologique …) ou étant élevé par un parent vivant avec un trauma non traité. Ceux qui vont perdre leur figure d’attachement (décès par exemple). Les enfants qui grandissent auprès d’un parent émotionnellement instable…
Les réponses du parent aux besoins de son enfant, vont alterner entre chaleur/froideur, rapprochement/mise à distance, entre rire/moquerie. Cette incohérence va entraîner l’enfant dans une profonde confusion pouvant le mener lui aussi dans un état dissociatif. Il va apprendre à s’attacher et se détacher quasi simultanément de sa figure d’attachement. Cette particularité fera de lui un adulte qui, dans ses relations à l’autre, alternera entre attachement anxieux et évitant de manière imprévisible et déroutante. L’entourage peut vite se sentir dépassé par ces oscillations chaud-froid, et ne pas comprendre comment on peut passer d’un comportement collant à une mise à distance inexpliquée. Quelques signes peuvent manifester un attachement désorganisé : la personne relate son histoire par fragment, a des trous de mémoire, devient agressive de manière impulsive et imprévisible, a des émotions intenses et est sujette aux débordements (crises). Est instable dans ses relations.
Ce type d’attachement est celui qui est le plus propice aux maladies mentales, il est donc important de se tourner vers un psychothérapeute pour prendre en charge les traumatismes, qui laissent une blessure purulente prendre le lead sur son comportement.
Et de conclure : dans cet article, les autres ne sont pas le problème. Le problème vient plutôt de la manière dont vous construisez vos relations et de ce que vous en attendez. J'illustrerai bientôt tout cela en faisant un zoom sur le film Fences et son personnage principal, Troy Maxson.
J’espère que vous pourrez y voir un peu plus clair maintenant. N’hésites pas à partager l’article s’il t’a plus. À très vite j’espère !
*D’après la Fondation pour l’Enfance (FDE) à l’origine de la loi “Anti fessée” promulguée en 2019, “la violence psychologique recouvre le chantage, la minimisation ou le déni des émotions de l’enfant, la punition, la privation, les moqueries, l’humiliation, la culpabilisation, la menace, la honte, la comparaison des enfants entre eux, le rejet, l’émission d’un jugement de valeur…
La violence verbale correspond aux hurlements, cris, injures, moqueries, condescendance envers l’enfant. Enfin, la violence physique intègre l’ensemble des châtiments corporels (gifles, fessés, pincements, coups, morsures, gestes brusques envers l’enfant, insatisfaction de ses besoins physiologiques, etc.).”
**D’après le livre, Se libérer des émotions négatives de Latifa Gallo
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